🇵🇪 Pérou : « Les assassinats ont continué pendant près de trois mois malgré les alertes de la communauté internationale » (Entretien avec Jimena Reyes, directrice du bureau Amériques de la FIDH / Luis Reygada / L’Humanité)


La Fédération Internationale pour les Droits humains a demandé à la Cour pénale internationale l’ouverture d’une enquête contre le gouvernement du Pérou, dirigé par la présidente Dina Boluarte. En cause : la brutale répression lors des manifestations qui ont marqué son arrivée au pouvoir, fin 2022, et la possible commission de crimes contre l’humanité. Entretien avec Jimena Reyes, directrice du bureau Amériques de la FIDH.

Fortes d’une investigation scrupuleuse, plusieurs organisations considèrent avoir réuni assez d’éléments prouvant la commission de crimes contre l’humanité sous le régime de la présidente Dina Boluarte. © Jade Gao / POOL / AFP

S’appuyant sur un dossier détaillant près de cinquante meurtres commis sur une période de trois mois entre 2022 et 2023, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’association péruvienne Pro-droits de l’homme (APRODEH) ont demandé au Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête visant le gouvernement de Dina Boluarte, à la tête du Pérou depuis le 7 décembre 2022.1 Fortes d’une investigation scrupuleuse, ces organisations considèrent avoir réuni assez d’éléments prouvant la commission de crimes contre l’humanité, dans un contexte de manifestations sauvagement réprimées et d’usage « disproportionné et aveugle » de la violence par les forces de police et militaire de ce pays. Une violence qui aurait été couverte – voire encouragée – par les plus hautes autorités civiles de l’État. Entretien avec Jimena Reyes, directrice du bureau Amériques de la FIDH.

Les faits que nous avons dénoncé la semaine dernière à la CPI concernent les manifestations qui ont eu lieu entre le 7 décembre 2022 et le 9 février 2023, suite à la tentative d’auto-coup d’État du président Pedro Castillo (sur la destitution controversée du président progressiste Pedro Castillo, NDLR). À ce moment, de nombreuses personnes ont exercé leur droit de protester et ont notamment exigé l’organisation de nouvelles élections présidentielles. Dans ce contexte, dans le sud du pays et notamment à Andahuaylas, Juliaca et Puno, la police et les militaires ont tiré sur la foule avec une claire intention de tuer. 49 personnes ont été assassinées et 155 personnes ont été très gravement blessées, c’est-à-dire qu’elles ont dû être hospitalisées en soins intensifs ou qu’elles vont garder un handicap à vie. Le bilan est peut-être plus lourd encore puisque nous avons comptabilisé au total plus de 900 personnes blessées dans ce contexte de répression.

Nous considérons que les plus hauts commandements militaires et de la police, en charge des opérations de répression, sont responsables des crimes commis. Toutefois, les autorités civiles sont aussi responsables, a minima par omission, puisqu’elles ont été alertées par la communauté internationale sur l’existence de ces crimes et il leur avait été demandé de les faire cesser. Cependant, les assassinats ont continué pendant près de trois mois.

En effet, le qualificatif de « terroristes » a été employé de façon totalement arbitraire par les plus hautes autorités de l’État, puisque la présidente Dina Boluarte elle-même a ainsi qualifié les manifestants sans aucune preuve. Ces accusations n’ont d’ailleurs jamais été démontrées. Le fait que les autorités aient ainsi qualifié et stigmatisé les manifestants dès le début du mouvement de protestation a très certainement eu un impact sur le niveau de répression qui a suivi, favorisant la commission des crimes qui ont eu lieu par la suite. (…)

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Voir également Pérou : pourquoi la présidente Dina Boluarte est accusée de crimes contre l’humanité ? (Julie Zulian / L’Humanité / article réservé aux abonné·es)